« Tzii est le nom sous lequel officie le bruxellois Eric Desjeux, également réalisateur et designer sonore. On ne se risquera pas à coller une étiquette sur le Bonhomme, ce serait bien trop réducteur pour qualifier son travail. Ce qu'on peut en dire , c'est que depuis près de 25 ans, cet hyperactif creuse avec un appétit féroce et une curiosité insatiable tout ce que la musique peut comporter de noirceur : indus, noise, ambient. Regardons d'un peu plus près ce qu'il nous propose ici... Machines, Collage. Cut-up. Doux chaos sous cloche, on se lance, prêt à jouer l'aiguille perdue dans une botte de samples, qui au commencement semble un peu osciller entre une ritournelle des temps anciens vite déchiquetée, et des surgissements de voix remontant du fond des âges. Ici, on cisaille, on cherche le détail, on malmène le vide. Puis le ciel s'éclaircit, et commence un travelling dans un paysage impossible. Ce foutu train qui ne passera jamais. Ce désert, âpre et solaire, sûrement surexposé. Ce moment où, la bouche pleine de poussière, on penche la tête au-dessus d'un aquarium où les poissons nagent au ralenti, sans s'en étonner vraiment. Tout alors refait surface et on plonge, happés vers le fond des eaux poisseuses d'un marais où grouillent des fantômes, nous soufflant à l'oreille des messages obscurs et doux. On sort de là avec l'impression d'avoir été convoqués à un rituel de magie dans un pays mystérieux. Ici, presque tout est noir mais rien ne fait peur, rien n'est brutal : on se sent emportés, mais on n'a pas envie d'opposer de résistance. Alors oui, la grosse noise de la fin de la piste nous rappele que nous allons tous finir dans un grand cri. Mais on se tiendra par la main, OK ? Ça fera moins mal. »

Julie Cronier – Revue & Corrigée #125 – Septembre 2020